La ligne de Vincennes
LES DÉBUTS DE LA LIGNE DE VINCENNESPalliant le manque de lignes de chemin de fer entre la ligne Paris-Strasbourg et la ligne Paris-Dijon, la création d'une ligne desservant notamment les boucles de la Marne fut facilitée par l'aménagement du bois de Vincennes sous Napoléon III. La Compagnie du Chemin de fer de Paris à Strasbourg, dont le projet fut retenu par les pouvoirs publics, obtint la concession de la ligne Paris-La Varenne en 1853. Après la résolution du problème de l'emplacement de l'embarcadère parisien (le site de la Bastille fut retenu), la ligne fut discrètement ouverte aux voyageurs le 22 septembre 1859. La ligne de Vincennes, longue de 17 km, connut un succès immédiat, tant chez les promeneurs du dimanche que chez les ouvriers, qui se mirent à contribuer au développement de la banlieue est de Paris.
Des projets de prolongement surgirent, que la guerre de 1870 empêcha de se réaliser. Le 5 septembre 1872, un premier prolongement de 2,6 km fut ouvert entre La Varenne et Sucy-Bonneuil, la ligne franchissant la Marne. Ensuite, prolongée de 2,1 km, la ligne rejoignit Boissy-Saint-Léger le 9 juillet 1874, puis Brie-Comte-Robert, le 5 août suivant: la ligne pointait alors son nez à 36 km de la capitale. Enfin, bien que la Compagnie de l'Est n'y fût pas favorable, un prolongement de 18,2 km conduisit, vers la fin des années 1880, la ligne à Verneuil-l'Étang, sur la ligne Paris-Troyes, prolongement plus propice au trafic marchandises qu'au trafic voyageurs. UNE MISE À L'ÉCART DE LA MODERNISATION DOUBLÉE D'UN DÉCLINEn 1929, la Compagnie du Métropolitain de Paris (CMP) présenta un projet de "métro régional" préconisant la création de lignes traversant Paris et prolongeant les réseaux de banlieue (qui finissaient tous en cul-de-sac dans Paris), tout en assurant de bonnes correspondances avec le métro. La ligne de Vincennes était incluse dans ce projet; mais, priorité fut donnée à la ligne de Sceaux, qui, à grands coups d'électrification et de modernisation des gares et des signaux, devint l'embryon du "métro régional". Ainsi, la ligne de Vincennes conserva ses trains à vapeur, même si la Compagnie de l'Est la modernisa en ce qui concernait la signalisation, en l'équipant de blocks automatiques mécaniques, voire lumineux entre Saint-Mandé et Vincennes. Cependant que la ligne de Sceaux connaissait un trafic en hausse constante, dopée par la mise en service des automotrices Z, la ligne de Vincennes connut un déclin de son trafic, qui entraîna la fermeture du tronçon Brie-Comte-Robert-Verneuil-l'Étang en 1939, puis celle du tronçon Boissy-Saint-Léger-Brie-Comte-Robert (avec maintien, toutefois, du trafic marchandises) en 1958. DE LA LIGNE DE VINCENNES À LA BRANCHE DE BOISSY DE LA LIGNE A DU REREn mars 1956, une étude menée par Marc Langevin, directeur du réseau ferré de la RATP, relança l'idée du RER, préconisant un réseau en forme de croix, orienté nord-sud et est-ouest. L'étude proposait la création de huit lignes, dont deux reprenaient la ligne de Vincennes jusqu'à sa gare de départ parisienne:
- Boissy-Saint-Léger - Bastille - Châtelet - Opéra - Saint-Lazare - Poissy (ligne E);
- Émerainville - Vincennes - Bastille - Châtelet - Opéra - Saint-Lazare - Rueil - Saint-Germain-en-Laye (ligne F).
La même année, un plan triennal était adopté par la RATP, qui sortait des cartons le projet d'électrification de la ligne, qui devait, à terme, lui être rattachée.
En décembre 1959, la RATP et la SNCF présentèrent un projet de ligne comprenant, à l'ouest, la ligne de Saint-Germain-en-Laye avec une branche vers Maisons-Laffitte et, à l'est, la ligne de Vincennes électrifiée jusqu'à Boissy-Saint-Léger avec une branche vers Émerainville, sur la ligne de Mulhouse. Ces deux lignes devaient être reliées entre elles dans Paris par un tronçon à réaliser desservant Reuilly, Gare de Lyon, Bastille, Châtelet, Concorde et Étoile. Un des objectifs de ce projet était la réanimation de la ligne de Vincennes en la sortant de son isolement, une ligne dont l'ambiance devenait franchement anachronique au début des années 1960.
Dans la foulée, les deux entreprises mirent en place un comité permanent de liaison chargé, entre autres, de définir le tracé définitif de la nouvelle ligne. Au cours de pourparlers, le tracé fut modifié vers la gare Saint-Lazare, à la demande de la SNCF, ce qui entraîna la décision de desservir Nation au lieu de Reuilly, Auber au lieu de Concorde et Gare de Lyon au détriment de Bastille. Ainsi, le tronçon Bastille-Nation n'avait plus la cote: son abandon fut purement et simplement envisagé par la RATP. Le Syndicat des Transports Parisiens suivit la Régie, en entérinant, le 6 juin 1963, la réalisation du tronçon Nation-Boissy-Saint-Léger.
Les travaux furent exécutés par la SNCF, avec électrification de la ligne en courant continu 1500 V, reconstruction des gares (quitte à faire disparaître de superbes joyaux, comme le bâtiment voyageurs néo-gothique de la gare de Vincennes) aux normes du RER avec des quais hauts d'une longueur de 225 m, suppression des passages à niveau, reconstruction d'ouvrages d'art (notamment celui permettant le franchissement de La Marne à La Varenne), construction de l'atelier de Sucy, création de terminus intermédiaires avec quatre voies à quai à Joinville-le-Pont et trois à La Varenne-Chennevières, installation du PCC (poste de commande centralisée) à la gare de Vincennes, réservation à Fontenay-sous-Bois du débranchement de la future branche de Marne-la-Vallée. La RATP se chargea, quant à elle, de la construction du tronçon souterrain entre Saint-Mandé (peu avant la gare du même nom) et Nation, ainsi que de celle de cette dernière gare.
Le tronçon est de la transversale est-ouest (la ligne A ne prendra son appellation actuelle qu'en 1977) fut inauguré le vendredi 12 décembre 1969 par Raymond Mondon, ministre des Transports de Georges Pompidou, en présence notamment de Roger Belin et Pierre Weil, respectivement président du Conseil d'Administration et directeur général de la RATP. Le samedi 13, au soir, les 141 TB en tête des trains composés de voitures Est ou de "voitures Bastille" ex-DR effectuaient leurs derniers tours de roue, avant de céder la place, le lendemain à 13 h, aux MS 61 de la RATP, déjà connus des usagers de la ligne de Sceaux (où ils circulaient depuis 1967). Ce fut aussi à ce moment-là que les tourniquets et billets magnétiques codés, expérimentés pour la première fois en février de la même année à Porte de Vanves, firent leur apparition à Nation: le poinçonneur des Lilas s'apprêtait à tirer sa révérence!
La fin de la traversée de l'année érotique (selon Serge Gainsbourg et Jane Birkin), qui coïncidait avec les premières circulations des CC 6500 et 21000, marqua aussi la fin d'une époque, celle des guinguettes du bord de Marne: désormais, place à la musique pop, au rock et aux hippies, en attendant la disco! LA LIGNE DE VINCENNES OUBLIÉE DE LA LIGNE AQuant au tronçon Bastille-Saint-Mandé, les voies furent déposées entre Saint-Mandé et le raccordement à la Petite Ceinture, un trafic marchandises étant maintenu sur le faisceau de la gare de Reuilly, qui fit l'objet, quelques années plus tard, d'une opération immobilière, qui préserva la gare, toutefois. Celle de Saint-Mandé, exclue de la modernisation de la ligne, fut détruite peu après la cession de la ligne à la RATP. Quant à celle de la Bastille, elle abrita des expositions, dont une qui révéla au grand public le modélisme ferroviaire, avant de disparaître en 1985 pour céder la place à l'Opéra Bastille, bâtiment issu de la volonté d'un président qui voulait se prendre pour Auguste et présentant déjà des fissures (des filets couvrent même certains pans de mur!). Ainsi, de nos jours, le tronçon abandonné se résume à une "promenade plantée", commençant sur le viaduc de l'avenue Daumesnil (rebaptisé viaduc des Arts, il abrite sous ses arches notamment un magasin destiné aux emplettes informatiques) et finissant au pied du Périphérique, peu après le raccordement avec la Petite Ceinture, quand il n'a pas cédé la place, côté Saint-Mandé, à un gymnase et à un parc de stationnement souterrain. BIBLIOGRAPHIELe RER, le réseau francilien, RATP, 2002 (texte de Jean Tricoire).
Bernard Collardey, Les Trains de banlieue, tome II, La Vie du Rail, 1999. |
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Article écrit par : Victor_BRITO Dernière mise-à-jour par : cr-corporation Dernière mise-à jour le : 01-03-2015 Nombre de vues : 35926
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